Ancré par ses racines dans l'humus nourricier, l'arbre s'élance vers les hauteurs aériennes. Chacun germe, croît à partir d'une terre. Lode Keustermans, né dans la campagne anversoise, est un homme particulièrement attentif aux vibrations de la nature, ému par les épousailles du ciel, des eaux et des sables, par l'oscillation des arbres sur les collines, par le jeu diaphane des herbes dans le vent... La beauté irradiante de la création le touche dans la mesure où elle trouve écho en son être intérieur, le fascine et le façonne. Cette répercussion a pour lui un sens profond: n'est-elle pas le signe, le témoignage d'une essence suprême qui se manifeste à travers le visible? Et lorsque le dialogue se fait plus dense, lorsque l'harmonie devient jubilatoire, alors jaillit l'aquarelle. La vision fugace, l'instant de l'extase sont saisis dans la couleur de l'eau et de la lumière. De nombreux artistes comme Marcel Hennart se sont retrouvés dans l'atelier de Lode Keustermans, ain d'unir l'image, le signe et la parole, le son musical et bientôt la danse.

L'oeuvre de Lode Keustermans laisse grande place à la suggestion. A la recherche de l'essentiel, il trace des épures, capte le mouvement de la danseuse, avec une justesse et une aisance indéniables. Pour Lode Keustermans, l'art est avant tout une écoute et un regard où il cherche la lumière. Celle qui donne vie, formes et couleurs à la vie! Avec sa palette, il projette un faisceau de rayons liquides qui se répandent avec fluidité et maîtrise sur le papier blanc. L'aquarelle représente en effet pour lui, le moyen idéal de rendre la transparence. L'élément aqueux que l'on qualifierait volontiers de féminin, est chez lui vivifié, soulevé par une grande flamme interne, chaude, vigoureuse. Ce mariage de l'eau et du feu assure la translucidité parfaite, subtil miroir.

Cette recherche de lumière, Lode Keustermans l'a tentée aussi à travers l'huile, empoignant, malaxant, travaillant la matière. Ses périodes les plus sombres, avant 1982, révèlent une lutte intense pour s'extraire des tumultes intérieurs. Après 1982, l'reuvre se transforme, s'éclaircit radicalement. Il doit créer autre chose. Les danseuses qu'il va esquisser deviennent des flambeaux de vie. Le silence même de la toile devient musique.

"L'art naît seulement de l'animation des forces du coeur et de l'esprit que nous nommons enthousiasme" écrivait Schelling. C'est par la qualité de son espérance, par sa générosité, par l'authenticité qui le caractérise dans son vécu comme dans son oeuvre, que Lode Keustermans, jour après jour, nous achemine vers la lumière.

Marie-Clotilde Roose

Il faudrait oser une image, l'image organique de l'arbre, pour évoquer à la fois l'homme, l'artiste et l'oeuvre. Car de même que l'arbre tire du sol sa substance et la transforme par une étrange alchimie en sève ardente, de même l'artiste trouve-t-il en son vécu un matériau indispensable à l'élaboration de son oeuvre. Or le souffle, l'air, la lumière ... viennent d'en haut. Sans ces éléments, l'arbre ne pourrait opérer ses métamorphoses, élaborer feuilles et fruits. Ainsi en va-t-il pour l'artiste. Il se fait le réceptacle d'un "ailleurs" qu'il recueille par tous ses pores, sensibles, affectifs, spirituels et réflexifs.